vendredi 4 mars 2016

Peter Saville

Ce graphiste anglais originaire de Manchester est surtout connu pour ses pochettes de disques. 
Son travail est lié à l’explosion de la scène punk en Angleterre à la fin des années 70. En 1976, un groupe londonien, les Sex Pistols, entraîne derrière lui une partie de la jeunesse anglaise, révoltée par la crise économique. 
Une des caractéristiques des punks est de vouloir représenter l’antithèse, le miroir inversé du mouvement hippie. Ils se revendiquent agressifs et nihilistes.
Le graphisme des disques des Sex Pistols est élaboré par Jamie Reid, qui utilise la technique du collage brut. Son travail se décode comme un manifeste de l’éthique punk du moment : vitesse et provocation.
Pendant ce temps, dans le Nord, à Manchester, des groupes se différencient de cette démarche en cherchant à développer un langage plus sophistiqué. 
Il s’agit d’une scène plus intellectuelle et plus “arty” que celle de Londres.
Par exemple, le groupe punk The Buzzcocks utilise également la technique du collage, mais avec des références aux années 20 : modernistes, constructivistes russes et futuristes italiens. 
Parallèlement aux groupes punks se développe dès 1978 un courant plus élaboré, qualifié alors de “new wave”. A Manchester, le label Factory Records en constitue un des fers de lance, avec entre autres le groupe Joy Division. Un des associés de Factory, Peter Saville, jeune graphiste fraîchement diplômé, signe les couvertures des albums de ce groupe emblématique. En 1979, pour le premier d’entre eux, Unknown Pleasures, il utilise un graphique représentant les signaux envoyés par un pulsar (étoile invisible émettant des pulsations). A l’instar du graphisme des albums du groupe allemand Kraftwerk, cette image énigmatique et prophétique annonce l’esprit industriel-electro minimaliste de groupes ultérieurs, et même de la techno des années 90.
Après le suicide du chanteur Ian Curtis en 1980, les autres membres de Joy Division forment New Order. C’est l’occasion pour Peter Saville de construire un univers graphique très riche, offrant plusieurs niveaux de lecture, à la fois tourné vers le futur et vers les références du passé. Au départ, il s’inspire en particulier de la New Typography créée par Jan Tschichold, qui prône l’utilisation de caractères sans empattements et les compositions asymétriques. En associant typographie moderniste et iconographie industrielle, il se livre à une “réappropriation de l’art et du design”. Pour la couverture du premier album de New Order, intitulé Movement, il reprend la couverture d’un journal futuriste italien de 1932.
Son approche est aussi de donner très peu d’informations à travers des codes mystérieux au premier abord. La particularité de cette démarche est de transformer les fans, qui achètent les disques, en initiés.
En 1983, toujours pour New Order, il signe la pochette de Power, Corruption and Lies, où il exploite une oeuvre du peintre Henri Fantin Latour datant de 1890, qu’il combine avec un alphabet typographique en couleur. Les cases de couleurs correspondent à des lettres de l’alphabet. Les clés de cette lecture sont dévoilées au verso du single Blue Monday, sorti la même année. Il emploie les mêmes codes pour le single Confusion.
Peter Saville collabore également avec des groupes pop tels qu’Orchestral Manoeuvres In The Dark, où il se réfère ouvertement au Modernisme et au mouvement De Stijl de Peter Mondrian.

A partir des années 90, devenu une légende vivante dans le milieu de la pub et de la mode, Peter Saville multiplie les commandes pour des marques prestigieuses et les couvertures d’albums raffinées pour les groupes anglais les plus connus (dont New Order).


Le travail de Jamie Reid pour les Sex Pistols





Les pochettes d'albums des Buzzcocks, groupe punk de Manchester



En 1979, la pochette d'Unknown Pleasures, le premier album de Joy Division


 La pochette d'Autobahn, du groupe allemand Kraftwerk (1974)



Jan Tschichold, une influence revendiquée




L'alphabet chromatique utilisé pour les couvertures de "Power, Corruption and Lies", "Blue Monday" et "Confusion"






Les pochettes d'Orchestral Manoeuvres In The Dark (OMD)









 L'influence De Stijl













jeudi 3 mars 2016

Hipgnosis

Ce bureau de graphistes anglais, basé à Londres, est réputé pour ses pochettes de disques rock. Leur première commande date de 1968, lorsque Pink Floyd leur demande de réaliser la couverture de leur second album.
La particularité d’Hipgnosis est de travailler à partir de photos qu’ils prennent eux-mêmes. Elles sont ensuite retouchées avec un mélange de techniques complexes (aérographe, photomontages) qui ouvrent la voie du « photo design » en préfigurant les trucages digitaux de photoshop et des logiciels 3D.
Leurs pochettes élaborées représentent des mises en scène dramatiques et théâtrales, où souvent les membres des groupes ne figurent pas (au grand regret des maisons de disques). Elles ressemblent à des tableaux photographiques surréalistes, voire à des photos de films de science-fiction, contenant des sortes de petites histoires se référant au titre de l’album ou aux paroles des chansons.
L’originalité et la qualité de leur démarche leur permettra de collaborer avec les groupes de rock anglais les plus connus des années 70 : Led Zeppelin, Genesis,  ACDC, The Police… 
C’est l’âge d’or du vinyl, où les albums sont fabriqués avec un soin extrême, comme des objets à part entière.
La pochette d’Hipgnosis la plus célèbre date de 1973. C’est celle d’un album de Pink Floyd, The Dark Side Of The Moon, avec un prisme traversé par des rayons lumineux. Elle est souvent acclamée comme une des meilleures pochettes de disques de tous les temps. L’album lui-même se vend à des millions d’exemplaires.
Leurs réalisations très soignées résument parfaitement l’esprit de leur époque, avec beaucoup d’audace, de liberté et d’humour. Leur perfection technique les rapproche de l’esthétique publicitaire, avec l’irrévérence en plus.
A la fin des années 70, l’arrivée du mouvement punk signifie la fin de la suprématie du rock progressif. Cette évolution bouleverse l’industrie musicale et par conséquent la production des pochettes de disques. L’esthétique prônée par ces nouveaux groupes (même éphémères) se situe totalement à l’opposé des « tableaux photographiques » élaborés (et aussi très chers à produire) d’Hipgnosis. Par exemple, la pochette du premier album des Sex Pistols, Never Mind The Bollocks, est fabriquée à partir de simples lettres découpées dans des journaux. Tandis qu’Hipgnosis travaille avec des budgets de plus de 100.000 euros par couverture d’album, la réalisation de cette pochette des Sex Pistols n’a coûté que quelques euros.

Le studio met fin à ses activités au début des années 80, après avoir réalisé 190 couvertures d’albums.



























La couverture du premier album des Sex Pistols :